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Published on: Presse

L’auto-organisation nous donne la forme

Le Lego est un jeu accessible à tout enfant doté d’un peu de curiosité.

Quelques briques à tenons suffisent pour assembler des formes dont la variété n’a de limite que la créativité du joueur. Savez vous que 6 briques de 2×4 tenons permettent de réaliser plus de 915 millions d’assemblages différents (Durhuus & Eilers, 2014) ?

Semblable à un Lego, la nature dispose de briques avec des cordes qui ont formé des particules, qui forment des molécules, qui forment des cellules, des êtres vivants, des espèces, des écosystèmes, des planètes, des galaxies.

Imaginez maintenant le nombre, la variété et la complexité des assemblages composés avec ces briques depuis le big bang et l’édifice qui en découle : la Nature.

Depuis des siècles, la pensée scientifique nous a peu à peu libérés de la superstition et des croyances religieuses qui voudraient laisser croire qu’un grand organisateur aurait pensé, créé et maintiendrait tant bien que mal cet immense édifice.

Arrêtons-nous un instant sur ce constat : malgré notre tendance naturelle à voir une intention dans toute forme organisée, la nature n’est pas le résultat d’une volonté supérieure.

La Terre, les océans, les montagnes ne sont pas le fruit d’une intention. Pas plus que les galaxies, les planètes ou les étoiles.

La nature n’a pas de plan.

Oui, cela reste toujours difficile à admettre. Difficile d’admettre que la structure d’un flocon de neige n’a pas été pensée, tant sa forme est régulière. Ou celle d’un cristal de roche, avec ses facettes si bien polies. Ou encore les vaguelettes qui se forment sur les dunes.

La nature que nous connaissons n’a pas été conçue. Elle s’est auto-organisée.

L’auto-organisation est un phénomène de formation spontanée. C’est la capacité d’un groupe d’éléments simples à composer un ensemble complexe et structuré, sans guide, sans supervision.

Un système qui s’organise sans superviseur ? C’est plutôt surprenant… En réalité, ce qui est inhabituel dans la nature c’est le contrôle, la supervision, la contrainte. L’auto-organisation est la norme.

Mais cette organisation qui émerge n’est qu’une partie du phénomène de l’auto-organisation. La seconde partie s’exprime dans le préfixe auto-, du grec autos, signifie « soi-même ». L’auto-organisation fait émerger une organisation qui est un soi-même, qui a une forme qui la différencie de ce qui n’est pas elle-même.

Bon, admettons que l’auto-organisation soit un principe qui explique comment se forment des cristaux, des dunes, des lacs. Pourquoi pas. Mais qu’en est-il des êtres vivants ? Leur complexité semble dépasser tout ce qui existe et il semble difficile d’imaginer qu’une bactérie, un ver de terre, un oiseau, un lion ou même un humain soit la conséquence d’une auto-organisation.

Et pourtant le vivant n’échappe pas à ce principe.

Nous avons tous vu l’auto-organisation à l’œuvre dans le vivant : les colonies de fourmis ou de termites qui bâtissent des édifices immenses et complexes, les bancs de poissons qui changent de direction simultanément, les oiseaux qui se rassemblent en un nuage compact avant la migration, les motifs extraordinaires dessinés par les poissons-globes. C’est proprement fascinant et il nous est toujours difficile d’admettre que les formes qui émergent ne sont pas préconçues.

La complexité est précisément le carburant de l’auto-organisation.

Or, parmi les structures les plus complexes que la nature ait produites, les cerveaux tiennent une bonne place. Tous les cerveaux, bien sûr. Pas uniquement le nôtre. Celui des souris, des pieuvres, des colibris ou des hippopotames.

L’auto-organisation jouerait-elle donc un rôle dans la formation des cerveaux et, partant, de l’intelligence ?

C’est ce que nous tenterons d’éclairer dans nos prochains articles.

Références

Durhuus, B., & Eilers, S. (2014). S. On the entropy of LEGO. J. Appl. Math. Comput., 45, 433-448.